Dans l’histoire de l’himalayisme, la France fut la première nation à planter son drapeau sur un sommet de plus de 8000 m : l’Annapurna (1950, Maurice Herzog et Louis Lachenal).
Par la suite, situation étonnante au regard du haut niveau de l’himalayisme hexagonal, aucun des alpinistes français lancés dans la collection des quatorze 8000 n’a survécu à cette quête des géants de la Terre. Liliane et Maurice Barard, Chantal Mauduit, Benoit Chamoux, Jean-Christophe Lafaille pour ne citer que les plus connus, tous ont laissé leur vie dans ce désir d’absolu himalayen.
Sans l’avoir planifié initialement et sans prétendre à la performance, Sophie Lavaud devient la première française, tous genres confondus, à boucler cette quête des quatorze 8000.

 

 

 

Chez les suisses, c’est le guide Erhard Loretan qui le premier réussi les quatorze 8000 (5 octobre 1995) devenant par la même occasion le troisième homme après l’italien Reinold Messner (1986) et le polonais Jerzy Kukuczka (18 septembre 1987).
Sophie Lavaud est donc la première suissesse à réaliser un tel exploit.
 
Même chose côté Canada, possédant trois passeports, Sophie réalise un triplé puisqu’aucun canadien avant elle n’avait jamais gravi les quatorze géants !

 

 

 

Une quarantaine d’hommes et de femmes dans le monde ont gravi les quatorze géants himalayens. Mais avec la nouvelle liste dévoilée en juillet 2022 (cf. encadré plus bas), ils sont en réalité moins de dix, tous sexes confondus, et plus que trois femmes à avoir coché les quatorze véritables sommets de plus de 8000 m : la chinoise Dong-Hong Juan le 26 avril 2023, suivie de la norvégienne Kristin Harila le 3 mai 2023 et de Sophie Lavaud le 26 juin 2023.

 

 

 

 

 

 

Rendue publique en juillet 2022, la nouvelle liste du géographe Eberhard Jurgalski (8000ers.com), qui examine la validité des preuves sommitales et prend en compte les véritables points culminants, a chamboulé les classements de la course aux quatorze 8000. « Cette liste bête et méchante ne tient pas compte du style (style alpin, avec ou sans oxygène), on contrôle juste la validité de la course, c’est-à-dire si le sommet a été atteint ou pas », renseigne le topographe et chroniqueur Rodolphe Popier. « Le Manaslu est un exemple étonnant : les premiers ascensionnistes ont trouvé le sommet, mais derrière eux, les trois quarts des summiters officiels ne l’ont pas trouvé ».

Celles et ceux, comme Sophie Lavaud, qui sont dans la course actuellement, se sont réalignés sur les nouveaux critères, n’hésitant pas à refaire des sommets pour les valider.

 

 

 

Difficile de deviner qu’une alpiniste se cache derrière la quinquagénaire. Née à Lausanne, le 15 mai 1968, Sophie Lavaud détonne dans le milieu de la montagne. D’abord parce que cette responsable commerciale et marketing dans l’hôtellerie de luxe puis dans les cosmétiques n’est pas une athlète professionnelle. Ensuite parce qu’elle s’est mise à l’alpinisme sur le tard, à la trentaine. Enfin parce qu’elle est une « madame tout le monde », une femme « simple » avec des rêves peu ordinaires, mais qui se donne les moyens de les réaliser, à son rythme. Honnête et modeste, elle a son style, un sommet après l’autre et ensuite on verra.

Avec son compagnon de cordée Dawa Sangay Sherpa, elle enchaine les expéditions. Elle ne fait pas mystère de l’usage de l’oxygène si le besoin s’en ressent, notamment pour une question de sécurité parce qu’elle a froid et qu’elle ne veut pas perdre ses doigts. Elle s’applique à faire les paliers d’acclimatation et prend de l’oxygène uniquement la nuit avant le sommet depuis le dernier camp d’altitude pour le push final.  Elle a toutefois atteint le sommet du Gasherbrum 2 et du Broad Peak sans oxygène.

Pas à pas, de façon modeste, c’est après avoir gravi l’Everest en 2014 qu’elle a mûri le graal des quatorze 8000. Cet objectif elle l’a d’abord gardé pour elle. Si elle n’est pas dans une quête d’exploit, ni dans la course au record, loin des sprinters des 8000, elle a fait preuve d’une grande détermination dans cette entreprise. Une sacrée progression depuis son premier Mont-Blanc en 2004 ! C’est là qu’elle s’est piquée pour l’altitude et les sommets. Rêvant d’aller toujours plus haut, elle a organisé son temps en fonction de cette passion. Puis, après avoir monté une entreprise d’événementiel dans la finance avec son frère, elle finit par se consacrer à 100% à son projet, démissionne de son dernier job en 2015 et réussit à boucler son budget, une expédition après l’autre, grâce à du mécénat, des sponsors et des partenaires.

En marge de ses expéditions, Sophie Lavaud est ambassadrice bénévole de l’ONG Terre des Hommes. Elle soutient et donne de la visibilité aux projets qui lui tiennent à cœur dans les pays où se déroulent ses expéditions.
Également ambassadrice pour Recco®, avec Dawa Sangay Sherpa, Sophie organise des formations au Népal et au Pakistan pour sensibiliser les sherpas et porteurs de haute altitude aux risques d’avalanche.

Avec la réussite du Nanga Parbat, réputé pour être un redoutable 8000 avec sa face très raide et le fameux mur « Kinshofer », Sophie clôture en beauté ce long chapitre de sa vie.